A l’occasion de la venue du président argentin Mauricio Macri
LETTRE OUVERTE AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Nous, résidants argentins en France, avec l'appui des organisations françaises et internationales, voulons vous faire part de notre préoccupation concernant la régression des avancées démocratiques dans notre pays, depuis l'investiture de M. Mauricio Macri à la tête de l'État, le 10 décembre 2015.
Bien qu’élu démocratiquement, le bilan de deux ans du gouvernent est accablant :
- Abandon de la souveraineté en endettant dangereusement le pays, par le pillage des biens publics, la discipline sociale, le mépris des droits de l’homme, la menace renouvelée de détruire les droits civils les plus élémentaires par un retour de la répression : emprisonnement pour des raisons politiques, de listes noires pour intimider les intellectuels, les syndicalistes, les leaders sociaux et les étudiants; extorsion judiciaire, acceptation et même encouragement des pulsions fascistes logées dans certaines couches sociales, etc.
- De graves atteintes à la liberté d'expression sont commises. Des journalistes réputés ont été limogés. Des programmes de la télévision et de la radio publiques ont été supprimés. La nouvelle administration se livre à une authentique chasse aux sorcières : des dizaines de milliers d'employés de l'administration ont été renvoyés en raison de leur appartenance ou de leurs sympathies politiques présumées ou après contrôle de leurs comptes Facebook.
- La criminalisation des mouvements sociaux et syndicaux se poursuit depuis deux ans par une forte répression des travailleurs en grève. La scandaleuse détention depuis le 16 janvier 2016, de la dirigeante du mouvement social Tupac Amaru, Mme. Milagro Sala, députée du Parlement du Mercosur, ordonnée par Gerardo Morales, gouverneur de la province de Jujuy et soutenu par le Président Macri, est un exemple de l'escalade répressive. Elle fait l’objet d’accusations arbitraires, dénoncées par toutes les instances nationales et internationales des droits humains compétentes en la matière (ONU, Amnesty internationale, CIDH…). La véritable cause de son arrestation est d’avoir osé remettre en question un système d’exploitation de la population la plus démunie du Nord de l’Argentine.
- Les politiques de Mémoire, Vérité et Justice promues depuis douze ans sont en danger. Des figures emblématiques des ONG de Défense des Droits de l'Homme ont fait l'objet de menaces de mort, sans que le gouvernement ne réagisse. La menace de la fin des procès judiciaires en cours contre civils et militaires accusés de torture, assassinats, disparitions et vols de nouveau-nés, durant la dernière dictature militaire, se fait entendre dans les déclarations négationnistes de plusieurs membres du gouvernement.
L’Argentine souffre aujourd’hui avec Mr Macri, d’une dérive autoritaire, dont le solde s’alourdit de jour en jour :
- disparition puis meurtre de Santiago Maldonado et assassinat d’une balle dans le dos de Rafael Nahuel.
- répression face au Congrès du 14 et 18 décembre dernier lors des manifestations contre la réforme des retraites, arrestation de dizaines de manifestants et impossibilité pour les députés de l’opposition de rentrer dans l’hémicycle, réprimés par les forces de l’ordre puis mis en examen pour avoir perturbé la séance.
- abus de la prison préventive et de l’accusation infondée de trahison à la patrie pour les membres de l’ancien gouvernement.
- persécution et répression sans précèdent des peuples originaires : les Mapuche en Patagonie et les Wichi dans la province de Formosa.
Enfin, dans ce climat d’atteinte aux droits humains et à la démocratie, l’ex-commissaire tortionnaire Miguel Etchecolatz condamné à 6 reprises à la prison à perpétuité pour ses crimes commis pendant la dictature (tortures, violations, meurtres, vol d’enfants), s’est vu accorder la prison domiciliaire dans le lieu de son choix.
Monsieur le Président, en vous sachant très attaché à l’esprit républicain et en tant que Président du pays de Droits de l’Homme il est important de vous enquérir de la situation actuelle en Argentine lors de votre rencontre prochaine avec M. Macri.
En espérant que notre lettre saura attirer toute votre attention, nous vous prions de croire, Monsieur le Président, en notre plus haute considération.
Assemblée de Citoyens Argentins en France
18/01/2018
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